Mémoire

La Psychiatrie aujourd’hui* :« …pour retracer ce premier volet historique, il est indispensable de se référer aux remarquables études de notre collègue tunisien le professeures S. AMAR,… initialement dominée par les conceptions magico-religieuses, l’histoire de la médecine et de la psychiatrie en Algérie plonge ses racines dans la nuit des temps. Un ‘’hermaion’’ (monument dédié aux divinités pour soulager la souffrance et la maladie) retrouvé près de Gafsa date de la préhistoire, il y a quelque cent mille ans. Dès le 9eme   siècle avant Jésus-Christ, cartage avait son dieu de la médecine, ESHMOUR.

Les numides au 4e et 5e siècle avant J-C avaient également leur dieu de la médecine, et les prêtres des royaumes de  Massinissa et de Jugurtha disposaient d’amulettes et mixtures destinées à soigner les maladies du corps et de l’esprit.

Dans la Rome antique et son empire, en particulier nord africain, prévalaient les théories hellénistiques de l’épicurisme et du stoïcisme visant à libérer l’homme de ses tensions et à lui procurer la paix intérieur (principe de l’ataraxie).

Il y avait aussi des médecins officiels (archiatre rémunérés par l’état.

Plus tard dans l’Afrique chrétienne, les confessions de saint augustin peuvent être considérer comme le prélude de l’introspection psychologique et de l’auto psychanalyse, et l’attitude à l’égard des malades mentaux est caractérisée par la bonté, la charité et le soutien morale.

C’est avec l’école de Kairouan et ibn omrane685, au IXe siècle, que selon les propres termes d’Abi Oussaibia, grand historien de la médecine arabes au XIIIe, « la médecine  fit réellement son apparition au Maghreb ».c’était alors l’apogée de la médecine arabe qui, bénéficiant des apports phéniciens, gréco-romain, byzantins, persans, hindous et peut être chinois, les avait assimilés, corrigés, enrichis et intégrés dans le module humaniste de l’Islam.

La religion musulmane nous le savons, encourage et glorifie le savoir et la recherche scientifique, rejette les croyances et pratiques magiques et irrationnelles.

La maladie est un phénomène normal, inscrit dans les conditions humaines, car telle est la volonté de Dieu. La solidarité et la sollicitude envers les patients, leur réconfort, sont des valeurs communautaires intangibles.

Il est édifiant de constater que la culture arabo islamique met l’accent  sur la fonction spirituelle du médecin, et donc sur les aspects psychologiques de la maladie, puisque le terme HAKIM qui désigne le médecin, signifie en même temps le savant et le sage, individualisé par sa bonté, son humanité et son charisme. On comprend ainsi pour quoi la médecine arabe avait comme principe constant l’interaction étroite réciproque du corps et de l’esprit.

ER-RAZI (850-932), le plus illustre médecin d’expression arabe, à introduit le premier le terme « EL ILLADJ ENNEFSANI », traitement par l’esprit ou psychothérapie. Il soulignait l’importance pour le médecin « de suggérer au malade la bonne santé même s’il n’y croit pas en son for intérieur », car disait-t-il, la structure du corps suit les vicissitudes de l’âme ce grand médecin, précurseur de la psychosomatique moderne, laissa également de nombreuse écrit sur les troubles mentaux, et actuelles plusieurs hôpitaux psychiatriques maghrébins portent son nom.

Un siècle plus tard IBN-SINA (980-1037), le célèbre «  prince de la médecine », insista lui aussi sur les relations unissant le corps et l’esprit. Dans les « généralités du CANON » il recommandait « d’utiliser les remèdes psychiques qui doivent toujours aider la thérapeutique médicamenteuses et la compléter en accroissant la capacité de résistance du malades ».

Le concept fondamental de « la trilogie de NAFS » est fréquemment retrouvé dans les études psychologiques arabes. Il est fort intéressant, car sensiblement superposable aux trois instances psychanalytiques de la personnalité : le NAFS ECHERRIRA ou âme malfaisante correspondant au « ça », le NAFS EL LOUAMA ou âmes blâmant au « surmoi » et  le NAFS ELMOTMAINA ou âme équilibrée au « moi ».

Le rayonnement extraordinaire de la médecine arabe allait diffuser et atteindre le Maghreb et l’Andalousie. Ishak IBNOMRANE, maitre le plus périgueux de l’école de kairouan, fut l’auteur d’un traité magistral et très complet sur la mélancolie. Le manuscrit original est conservé en Allemagne fédérale, à la bibliothèque de Munich.

Il sera suivi par un autre grand médecin, Ahmed IBNELDJEZAR qui rédigea le fameux « viatique » ou figure l’étude des migraines de la confusion mentale et du délire aigu, de l’épilepsie.

Toujours au Xe siècle, il faut citer ALI IBNMOHAMED qui exerçait à Annaba, et au début du XI e siècle, abdallâh IBNOUAHRANI grand médecins du corps et de l’esprit.

Le XIIe siècle fut dominé par le légendaire IBNROCHD qui séjourna longtemps au Maroc, puis dans tout le Maghreb. Il écrivit plusieurs fascicules de médecine ayant, entre autres thèmes, la psychophysiologie du cerveau, le tempérament, l’art de guérir. Un de ses disciples les plus réputés fut en Algérie IBN RAMANA qui résidait à la kalaat des benihammad, ancienne citadelle située à proximité de Msila. Enfin MAIMONDIE, éminent médecin psychosomaticien juif de langue arabe, qui ne fit que passer en Algérie, car il vécut surtout en Espagne, au Maroc et en Egypte, laissa une œuvre considérable, et en particulier, u chapitre important énonçant les règle d’hygiène mentale. Sa définition de la guérison mérite d’être rapportée : « la guérison est le retour à l’état antérieur momentanément perturbé pa la maladie et auquel on doit parvenir à nouveau, non seulement par les ressources du corps, mais aussi par les facultés de l’esprit ».

Dans autre perspective, le soufisme, courant mystique de l’Islam, marqua pareillement cette période et influença de nombreux médecins arabes et maghrébins. L’intense spiritualité à la quête de la connaissance de soi et de la transcendance par l’ascèse de la doctrine soufie, donnait une impulsion décisive aux analyses psychologiques. Ainsi le grand philosophes et éducateur l’imam ALGHAZALI (1058-1111) est considéré par beaucoup comme le fondateur des écoles islamiques de psychologie. Au XIIe siècle, c’est IBNELARABI qui s’imposa comme le maitre du soufisme maghrébin et eut comme disciple SIDI BOUMEDIENNE, patron de Tlemcen.

En ce qui concerne la psychopharmacologie, les médecins maghrébins, avec leur tète IBN OMRANE et IBN ELDJEZAR, utilisaient déjà les extrait de jusquiame et de la belladone chez les nerveux, et même l’opium comme sédatif puissant chez le grands malades, alors que les grecs le jugeaient dangereux et ne l’administraient que très rarement.

Pour ce qui est de l’assistance aux malades mentaux, nous retiendrons que le coran fait référence à la protection des malades mentaux, et que les premiers hospices pour aliénés furent crées en terre d’Islam. L’asile de damas(707) sera suivi par l’asile de Baghdâd (vers 765) et celui du Caire (XIVe siècle).

 Au Maghreb ce sont les moristant de Fès et de Marrakech (XII siècle) au Maroc, de Tahert et de la kalaat des benihammad en Algérie. Ces établissements souvent confortables, édifiés au sein de la cité, construits dans le style architectural de la maison arabe rationnelle, étaient gérés par des wakf sous contrôle de l’état. Les malades y étaient hébergés et soignés gratuitement et bénéficiant de l’ergothérapie, de la musicothérapie, de distractions et de jeux, et à leur sortie recevaient un important pécule.

Sait-on par exemple que les statuts des deux fameux lions agrémentant le pavillon de la reine de l’Alhambra de grenadas, provenaient du moristant de l’ancienne capitale des nasrides.

Mais le conquêt de Baghdâd par les mongols devait sonner le glas de cet âge d’or de la civilisation musulmane. C’était le commencement de la fin de la médecine arabe, et la pléiade de grands savant se rétrécissait. Il persistait néanmoins quelques foyers intellectuels brillants : à Tunis avec les familles ESSIKILY du XII au XIVe siècle), en particulier Mohamed chérif ESSIKILY  avec une étude minutieuse sur l’hystérie, à Tlemcen, à bougie ou exerça au début du XIVe siècle ABOU EL ABBAS EL DJED. Mais c’est surtout l’éclatante personnalité d’IBN KHALDOUN51332-1406), historien et sociologue maghrébin de génie qui resta dans l’histoire. Il vécut longtemps dans les cours de Fès et de Tlemcen. Il faisait valoir la prééminence du milieu sur l’individu, de l’acquis sur l’inné, de la culture sur la nature, dénonçait les superstitions et les conduites magiques et irrationnelles.

A partir du XVe siècle, le déclin s’accentuait et la psychiatrie, l’assistance aux aliénés, alliant jusque-là rigueur scientifique et humanisme, et très en avance sur le reste du monde du VIIe au XIIe siècle, sombrait progressivement dans le surnaturel, le maraboutismes la magie, et ce malgré quelque très rares praticiens de valeur comme ABDERAZAKCK EL DJAZAIRI d’Alger et Ahmed EL BOUNI d’Annaba au XVIIe siècle. Les thérapies dites traditionnelles s’enracinaient au fil du temps dans les cultures maghrébines. Basées  essentiellement sur la suggestion, elle pouvait être très efficace, dans la société traditionnelle, chez certains névropathique aigus transitoires. Cette efficacité s’explique par la dimension communautaire et le consensus du groupe sur l’étiologie et le traitement de la maladie mentale.

* : Est le titre même d’un livre publie par l’office des publications universitaires, codification : 3 01.3582, son auteur le docteur B. BENSMAIL est professeur de psychiatrie et de psychologie médicale et leur collaborateur : M.AUDRAS DE LA BASTIE ; A. BAKIRI ; A. BELAID ; G. Besançon ; G.DARCOURT ; J. GUYOTAT ; A. HAMOUDI ; F. KACHA, M.LAXANAIRE ; J.M. LEGER ; Y. MERDJI ; P.MORON ; et  M.TOUARI.